s’était tranquillement approprié l’appât. Comme le poison et tous les pièges avaient été vainement essayés auparavant, La Ronde avait reconnu sa défaite et abandonné le terrain à son vainqueur.
Il va sans dire que nous ne nous portons pas garants de la véracité de ce récit ; mais nous nous contenterons d’affirmer que, par la suite, l’expérience nous a amplement prouvé que le wolverène est un animal plein de ressources et d’une sagacité vraiment extraordinaire. À supposer que le fusil ait été placé comme l’a dit et trouvé ensuite tombé à terre, il y a toute apparence que La Ronde ne s’est pas trompé en expliquant la conduite tenue par son rival. L’Indien et le métis interprètent les marques laissées par une action avec autant de fidélité et d’exactitude que s’ils y avaient assisté. Toutes les fois que nous avons pu en juger par nous-mêmes, nous avons constaté qu’ils avaient parfaitement compris le langage des pistes ; c’est un livre naturel que le chasseur lit admirablement bien.
Jusque vers la fin de décembre, nous accompagnions continuellement La Ronde dans ses expéditions de trappeur. Nous apprenions ainsi à reconnaître les pistes que les animaux laissaient dans la forêt, à nous mettre au courant de la plupart de leurs habitudes caractéristiques. Cheadle surtout s’était passionné pour cette branche de l’art du chasseur, et il s’y adonnait avec tant de zèle et de succès qu’il fut bientôt en état de faire et de dresser une trappe avec une vitesse et une habileté qui égalaient presque celles de son savant précepteur La Ronde. Ce genre de vie, en dépit des fatigues et des mécomptes auxquels il s’expose, a des charmes étranges. Il faut marcher longtemps et laborieusement, avec un lourd paquet sur le dos, gêné par des vêtements épais, à travers la neige et les bois qu’encombrent les broussailles et les grands arbres couchés à terre ; donc la fatigue est grande. Elle n’est modifiée que lorsqu’on se met à faire les trappes ou à établir le bivac pour le