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Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/149

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qu’un grand nombre d’Indiens étaient en route pour le rejoindre. Tous se mouraient de faim, car ils n’avaient pas mangé depuis plusieurs jours. La perspective que leur offrait le reste de l’hiver était désolante ; puisqu’on ne trouvait de bisons nulle part. Notre bande semblait avoir eu la plus grande chance du monde en tombant, du premier abord, sur l’endroit où se trouvaient les seuls qui fussent alors dans ce district.

Effectivement, toute cette journée, nous vîmes arriver des Peaux-Rouges, famille après famille. C’était une vraie cavalcade de spectres ambulants. Les hommes, maigres et blafards, marchaient devant des chiens cadavéreux, qui n’avaient littéralement que les os et la peau, et tiraient après deux des traîneaux aussi à jour, aussi vides qu’eux-mêmes. Les femmes et les enfants formaient l’arrière-garde. À l’honneur des hommes, il est bon de noter que ces très faibles étaient en meilleur état, même assez potelés, et que les femmes formaient un étrange contraste avec les formes décharnées de l’autre sexe. Bien que les squaus indiennes et leurs enfants soient tenus, il est vrai, dans une dure sujétion, et que ce soit en général sur elles que tombe toute la fatigue des grosses besognes, elles ne sont pas mal traitées. Leurs souffrances ni leurs privations ne sont pas plus grandes que celles des hommes.

L’Indien est constamment occupé à chasser pour procurer de la nourriture à sa famille. Quand il y a disette, il part sans emporter aucune provision pour lui et souvent il marchera plusieurs jours de suite, du matin au soir, sans rencontrer aucun gibier. S’il en trouve, il se charge de viande qu’il rapporte péniblement à la maison ; alors, tant que dure l’abondance, il se considère comme ayant des droits au repos le plus complet pour se remettre de ses fatigues. Une aventure de notre Chasseur peut parfaitement servir d’exemple à cette abnégation des hommes et à la merveilleuse faculté qu’ils ont d’endurer la faim. Kînémontiayou en effet, plusieurs années auparavant, avait bien manqué mourir