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Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/162

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une petite caisse de thé et, mieux que tout le reste, des lettres d’Angleterre. Avec quel empressement nous nous en saisîmes ! Avons-nous besoin de dire le nombre de fois qu’elles furent lues et relues ? Nous préparâmes un régal pour fêter l’arrivée de nos gens. On fit des crêpes à profusion et du thé à plusieurs reprises. Nous n’avions pas goûté de thé depuis des jours, de crêpes depuis des semaines. Longtemps après minuit, nous étions encore assis à écouter les nouvelles de la Rivière Rouge et le récit du voyage de La Ronde et de Bruneau. Ces pauvres diables avaient mis vingt-trois jours pour faire les six cents milles qui nous séparaient du fort Garry ; ils s’étaient reposés une semaine, et avaient commencé leur retour le dernier jour de janvier. Le 31 janvier et le 1er février étaient les deux jours où Cheadle et Isbister étaient revenus de Carlton, c’est-à-dire la période du plus grand froid, celle où le thermomètre était descendu à 30° au-dessous de zéro.

Les deux traîneaux portaient quatre sacs de farine, le thé et du pemmican pour eux et pour leurs chiens ; mais la neige était si profonde qu’ils avaient souvent été forcés à fouler avec leurs raquettes le sentier deux fois avant qu’il eût assez de fermeté pour porter les chiens ; et même alors ceux-ci ne pouvaient pas traîner leur lourde charge sans l’assistance des hommes qui la poussaient avec des perches. Ils avaient fait ainsi lentement et laborieusement deux cents milles, quand le pemmican venant à leur manquer, ils avaient dû soutenir les chiens aux dépens de la précieuse farine.

Cependant, à deux journées du fort Pelley, les chiens étant à bout de force, il avait fallu abandonner un des traîneaux avec un de ces pauvres animaux, qui se coucha près de la route pour expirer. Un peu plus loin, ils passèrent près d’un traîneau dont l’attelage de chiens était complétement gelé, droits et roides sous leurs harnais, semblables à ces gens que les Mille et une Nuits nous montrent métamorphosés en pierre. Quelque passant trou-