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Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/203

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frais, et nous amusa, quand nous fumions le soir notre pipe, en nous contant les histoires du bon vieux temps, de l’époque où le bison des bois descendait en abondance jusqu’à la Rivière de la Paix (Peace river) et où le gibier était assez nombreux pour qu’on ne connût pas la famine. Arrivé depuis trente-huit ans dans le pays, il en avait passé dix-sept à Jasper House. Le cerf du Canada et le big-horn ou mouton gris caribou étaient si fréquents lors de son arrivée, que, le chasseur étant mort, le novice et un jeune garçon avaient suffi à fournir amplement le fort de nourriture durant tout un hiver. M. Fraser n’avait pas vu le fort Garry depuis trente années ; pendant les quinze dernières, il n’avait pas dépassé Edmonton, et pourtant il s’estimait aussi heureux et aussi content que possible.

À notre départ du lac Sainte-Anne, le chemin nous conduisit immédiatement au cœur de la forêt, dans un terrain marécageux, pourri et profondément couvert d’arbres tombés de vieillesse. Les chevaux y enfonçaient jusqu’au poitrail, et de distance en distance avaient à franchir les obstacles qui encombraient la voie.

M. O’B. commença à reconnaître les difficultés qu’il rencontrait et il déclara que, quoiqu’il eût visité bien des pays, il avait ignoré jusqu’alors ce que signifiait le mot voyager. L’assistance qu’il nous donnait se bornait à ses bons conseils, car il avait peur d’approcher un cheval, et il était absent chaque fois qu’on avait besoin de lui pour charger les animaux. Si on le dépistait, on le trouvait ordinairement caché dans le taillis, fumant tranquillement sa pipe et enfoncé dans l’étude de l’unique débris de sa bibliothèque, du seul livre qu’il possédât, les Preuves du Christianisme, par Paley.

Nous étions partis depuis deux jours du lac Sainte-Anne, quand la route parut s’améliorer : on trouvait quelques places de pays ouvert, les arbres étaient moins élevés, et ils formaient des groupes sur les penchants de basses collines. À midi, nous