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Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/209

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qui aurait ainsi détruit lui-même les courants nécessaires à son existence[1].

Le soir de cette même journée nous arrivions de bonne heure dans un petit espace ouvert, sur le bord d’un ruisseau, qui est du petit nombre de ceux que nous avons rencontrés dans ce pays. Cheadle et L’Assiniboine avaient remonté le courant en quête des castors ; mais le premier, ayant aperçu quelques truites, était revenu sur ses pas pour les pécher, tandis que L’Assiniboine continuait sa chasse. On dressa le camp. Cheadle, à la nuit, rapporta quelques poissons qui nous servirent à souper ; M. O’B. s’alla coucher et le reste demeura à fumer en s’étonnant de ce que L’Assiniboine rentrât si tard. Tout à coup la portière de la loge fut soulevée, et L’Assiniboine entra, tremblant d’émotion, ayant à peine la force de parler et se bornant à dire dans son patois français : J’étais en pal mal de danger. J’ai vu les ours gris, proche ! proche ! et il demanda à fumer une pipe, que son fils lui bourra immédiatement et lui passa. Lorsqu’il eut été suffisamment apaisé par l’herbe calmante, il nous conta ses aventures. Il avait rencontré les castors en haut du ruisseau et en avait tiré un, qui avait plongé et qu’il n’avait pas pu attraper. Après avoir erré quelque temps encore sans rien plus trouver, il s’était mis en route pour revenir juste avant la brune. Mais, à quelques centaines de mètres du bivac, il avait entendu un frôlement dans les broussailles près de lui et, pensant que des chevaux s’étaient égarés là, il s’était détourné sous le couvert pour les ramener. Au lieu de voir les chevaux qu’il s’attendait à trouver, il s’était rencontré face à face avec un énorme ours gris qui était occupé à déchirer un tronc pourri afin d’y prendre des insectes. À la vue de L’Assiniboine, l’animal, quit-

  1. C’est aussi l’explication que Hugh Miller donne de la formation des dépôts tourbeux de l’Écosse. Les arbres qu’ont abattus les Romains pour ouvrir leurs routes à travers la forêt ont arrêtés les courants d’eau ; des marais se sont ainsi formés, qui, peu à peu, ont été convertis en tourbières par les détritus des plantes aquatiques. (Ed.)