Cramponné des deux mains à la crinière, au lieu d’essayer de diriger son cheval, il employait toutes ses forces à se tenir en selle et ne cessait de dire à son escorte : « Doucement, milord, s’il vous plaît, ou je vais être balayé. Allons ! parlez à Mme Assiniboine, milord : elle nous conduit à la mort. Quelle femme imprudente ! Varium et mutabile semper femina ![1] Madame Assiniboine ! madame Assiniboine ! Mon Dieu ! mon Dieu ! le terrible voyage ! L’eau m’entraîne ! Je l’échappe belle, milord. Je l’ai échappé belle, vrai, docteur. Ah ! mais, vous savez, on n’a pas toujours la même chance. » Dès qu’il eut atteint la rive, il glissa à bas de son cheval qu’il laissa libre de suivre ses fantaisies.
La plupart de nos chevaux de somme avaient été entraînés au loin par le torrent, et nous nous attendions bien à ce que plusieurs d’entre eux seraient perdus ; cependant ils réussirent tous à gagner la rive. Le seul dommage que nous supportâmes fut que notre farine et notre pemmican se mouillèrent ; mais le mal fut réparé en les faisant tout de suite sécher avec soin.
Le lendemain, nous remontions la rive droite ou méridionale de la Miette. La lisière de terre séparant de l’eau les montagnes qui formaient les côtés du ravin se trouva très-marécageuse et souvent même plus basse que l’eau. Au bout de plusieurs heures d’un voyage désagréable, nous arrivions au dernier endroit où l’on traverse cette fatigante rivière. Nous pensions qu’il y faudrait construire un radeau ; mais nous y découvrîmes un petit radeau ou cajot, amarré de l’autre côté près de quelques saules, et laissé là sans doute par les trois Américains qui avaient traversé ce torrent peu de semaines avant nous.
Le jeune Assiniboine offrit de faire passer son cheval à la nage et d’aller chercher l’embarcation. Il ôta jusqu’à sa chemise, monta à cheval et entra dans l’eau. L’animal eut bientôt fait de gagner en nageant l’autre rive ; mais, comme elle était escarpée,
- ↑ La femme a toujours été un être ondoyant et divers. (Trad.)