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Page:Milton - Cheadle - Voyage de l’Atlantique au Pacifique.djvu/365

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qu’il avait pris son parti d’être un jour attaqué. La tentation était vraiment trop forte. Les occasions étaient continuelles sur cette route isolée de quatre cents milles de longueur, où il n’y avait de maisons que tous les dix ou vingt milles, et où les passants, si ce n’est à de certaines saisons, étaient toujours rares. L’endroit le plus favorable à une attaque de ce genre était, suivant lui, l’abîme que nous avons décrit[1]. Ce gouffre béant, caché par des buissons du côté de la route avec un fond couvert de débris et de broussailles, offrait toutes les commodités désirables pour faire disparaître son cadavre. Une telle perspective ne rendait aucunement ni plus inquiet ni moins heureux notre conducteur, qui riait et parlait du destin qu’il se croyait réservé comme s’il n’y avait eu aucun intérêt.

Quatre journées de voiture nous amenèrent à la terrible route qui va de Lytton à Yale[2]. Alors, assis dans le wagon, à quelques pouces du bord d’un précipice de sept à huit cents pieds, sans garde-fou, descendant ou montant les pentes à fond de train, et, dans les portions étroites, rasant la face des rochers, nous nous trouvions peu à notre aise, et nous pensions que le plus léger accident suffisait pour nous lancer, de notre siége élevé, dans les profondeurs de l’abîme. Ce qui augmentait le péril, c’est que notre voiture s’en allait par degrés en morceaux. D’abord un ressort se brisa, puis un autre ; nous rebondissions dès lors sur les essieux. Plus loin, la volée du timon se détacha ; il fallut la raccommoder avec de la corde. Si la route n’avait pas été ce qu’elle était, ces accidents n’auraient certainement pas eu de gravité. Mais, pour couronner le tout, le timon lui-même cassa dans son emboîture, et le wagon se précipita parmi les chevaux. Heureusement nous étions alors sur un terrain plat, juste au delà du pont suspendu. Il est clair que

  1. Voir p. 344. (Trad.)
  2. Voir p. 329 et suiv. (Trad.)