Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/10

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Au surplus, je suis loin de croire avoir évité tous les écueils de ce travail ; il est impossible qu’un ouvrage d’une telle étendue, d’une telle difficulté, ne renferme pas quelque contre-sens. Toutefois, il y a plusieurs manières d’entendre les mêmes passages ; les Anglais eux-mêmes ne sont pas toujours d’accord sur le texte, comme on peut le voir dans les glossateurs. Pour éviter de se jeter dans des controverses interminables, je prie le lecteur de ne pas confondre un faux sens avec un sens douteux ou susceptible d’interprétations diverses.

Je n’ai nullement la prétention d’avoir rendu intelligibles des descriptions empruntées de l’Apocalypse ou tirées des Prophètes, telles que ces mers de verre qui sont fondées en vue, ces roues qui tournent dans des roues, etc. Pour trouver un sens un peu clair à ces descriptions, il en aurait fallu retrancher la moitié : j’ai exprimé le tout par un rigoureux mot à mot, laissant le champ libre à l’interprétation des nouveaux Swedenborg qui entendront cela couramment.

Milton emprunte quelquefois l’ancien jargon italien : d’autour d’Ève sont lancés des dards de désir qui souhaite la présence d’Ève. Je ne sais pas si c’est le désir qui souhaite ; ce pourrait bien être le dard ; je n’ai donc pu exprimer que ce que je comprenais (si toutefois je comprenais), étant persuadé qu’on peut comprendre de pareilles choses de cent façons.

Si de longs passages présentent des difficultés, quelques traits rapides n’en offrent pas moins. Que signifie ce vers :

Your fear itself of death removes the fear.
« Votre crainte même de la mort écarte la crainte. »

Il y a des commentaires immenses là-dessus ; en voici un : « Le serpent dit : Dieu ne peut vous punir sans cesser d’être juste : s’il n’est plus juste il n’est plus Dieu ; ainsi vous ne devez point craindre sa menace ; autrement vous êtes en contradiction avec vous-même, puisque c’est précisément votre crainte qui détruit votre crainte. » Le commentateur ajoute, pour achever l’explication, « qu’il est bien fâché de ne pouvoir répandre un plus grand jour sur cet endroit. »

Dans l’invocation au commencement du VIIe livre, on lit :

(An earthly guest) and drI have presum’d
(An earthly guest) and drawn empireal air,
Thy temp’ring.