Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/184

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du serpent, étonnants en longueur et en grosseur, entrelacent leurs tortueux replis, et y ajoutent des ailes.

« D’abord chemine l’économe fourmi, prévoyante de l’avenir ; dans un petit corps elle renferme un grand cœur ! modèle peut-être à l’avenir de la juste égalité, elle unit en communauté ses tribus populaires. Ensuite parut en essaim l’abeille femelle qui nourrit délicieusement son mari fainéant, et bâtit ses cellules de cire remplies de miel. Le reste est sans nombre, et tu sais leur nature, et tu leur donnas des noms inutiles à te répéter. Il ne t’est pas inconnu, le serpent (la bête la plus subtile des champs) ; d’une énorme étendue quelquefois ; il a des yeux d’airain, une crinière hirsute et terrible, quoiqu’il ne te soit point nuisible, et qu’il obéisse à ton appel.

« Les cieux brillaient maintenant dans toute leur gloire, et roulaient selon les mouvements que la main du grand premier moteur imprima d’abord à leur cours. La terre achevée dans son riche appareil, souriait charmante ; l’air, l’eau, la terre, étaient fréquentés par l’oiseau qui vole, le poisson qui nage, la bête qui marche : et le sixième jour n’était pas encore accompli.

« Il y manquait le chef-d’œuvre, la fin de tout ce qui a été fait, un être non courbé, non brute comme les autres créatures, mais qui, doué de la sainteté de la raison, pût dresser sa stature droite, et avec un front serein, se connaissant soi-même, gouverner le reste ; un être qui, magnanime, pût correspondre d’ici avec le ciel, mais reconnaître, dans sa gratitude, d’où son bien descend, et, le cœur, la voix, les yeux dévotement dirigés là, adorer, révérer le Dieu suprême qui le fit chef de tous ses ouvrages. C’est pourquoi le Père tout-puissant, éternel (car où n’est-il pas présent ?) distinctement à son Fils parla de la sorte :

« — Faisons à présent l’Homme à notre image et à notre ressemblance ; et qu’il commande aux poissons de la mer, aux oiseaux du ciel, aux bêtes des champs, à toute la terre et à tous les reptiles qui se remuent sur la terre. »