Page:Milton - Samson agoniste, 1860, trad. Avenel.djvu/42

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ces motifs ; mais enfin, cette vieille maxime, si commune et si vantée dans la bouche des sages, qu’au bien public doivent céder les intérêts privés, s’empara de moi entièrement, et fit prévaloir en moi sa grave autorité. Ce que j’ai fait, la vertu, je le pensais du moins, la vérité, le devoir me commandaient de le faire.

SAMSON.

Ah ! je supposais bien que là aboutiraient tes détours et tes ruses : à des simulacres de religion, à une franche hypocrisie ; mais si ton amour, si odieusement feint, avait été sincère ainsi qu’il devait l’être, il t’eût certes inspiré des raisonnements bien éloignés de ceux-là, et t’eût portée à des actes bien différents des tiens ; te préférant à toutes les filles de ma tribu et de ma nation, je te choisis au milieu de mes ennemis, et, comme tu l’as trop éprouvé, j’allai pour toi trop loin dans mon amour. Tous mes secrets, je les versai dans ton sein, non par légèreté, mais vaincu par tes prières ; je ne pouvais rien te refuser, bien que maintenant tu ne vois en moi qu’un ennemi. Pourquoi m’épousais-tu ? Alors, comme plus tard, l’on savait que j’étais l’ennemi de ton peuple, et une fois mon épouse tu devais abandonner pour moi et famille et patrie ; je n’étais point leur sujet, ils n’étaient point mes maîtres ; mon maître à moi, c’était moi-même, et quant à toi, tu étais à moi et non à eux. Si ton pays te demanda quelque chose contre ma vie, il te le demanda injustement, contre la loi de la nature et la loi des nations ; ce n’était plus ta patrie dès lors, mais une bande impie de conspirateurs défendant leur répu-