Page:Milton - Samson agoniste, 1860, trad. Avenel.djvu/5

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monde ? Eh bien ! miroir imposteur, beauté achetée chez le marchand, voilà l’exacte image d’une traduction enluminée. Je prends Thucydide et Xénophon, l’un est sentencieux, serré, l’autre doux et brillant : me montrez-vous Thucydide ornementé, diffus, Xénophon incisif ? je chercherai vainement Thucydide dans Thucydide, et je ne reconnais plus dans Xénophon l’abeille de l’Attique. Traduisez Aristote en périodes cicéroniennes, vous faites une caricature ; si vous imitez l’oiseau intrus qui, ne se bornant pas à déposer ses œufs dans le nid d’autrui, renverse à terre la couvée légitime, vous ne traduisez plus, mais vous interpolez ; vous allez retrancher cette pensée, peut-être était-ce celle-là que je désirais rencontrer, et je me vois réduit, en place d’un corps, à n’embrasser qu’un nuage.

» Qu’une allusion n’en remplace point une autre ; je ne veux point vos bons mots, mais ceux de votre auteur ; la traduction d’un orateur veut moins d’exactitude que celle d’un historien ou d’un grammairien ; l’éloquence en effet n’est pas toute dans les choses, elle gît encore dans la marqueterie des mots ; s’il s’agit d’un poëte, il faut plus de fidélité ; comme l’hiver pour