Page:Milton - Samson agoniste, 1860, trad. Avenel.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

esclave ; lui, calme mais indompté, il marcha vers le lieu où ils le conduisaient ; l’on eut beau placer devant lui tout ce que, sans l’aide de l’œil, l’on peut soulever, attirer à soi, traîner où mettre en pièces, il triompha de toutes les épreuves avec une force incroyable et prodigieuse, et nul n’osa se poser devant lui pour lui disputer la victoire.

Voulant enfin lui donner un peu de repos, ils le conduisirent entre les deux piliers ; lui, comme nous le rapportèrent ceux qui étaient plus près, feignant de ployer sous la lassitude, pria son guide de lui laisser un instant appuyer ses bras sur les deux lourds piliers qui supportaient la voûte ; ne soupçonnant rien, le guide y consentit. Alors qu’il sentit les piliers dans ses bras, Samson un instant inclina la tête et se tint immobile comme un homme qui prie ou qui dans sa pensée roule un vaste dessein. Levant enfin la tête, il cria à haute voix : mes Seigneurs, j’ai accompli jusqu’ici ce que vos ordres m’imposaient, et je vous ai obéi comme l’exigeait la raison. À me voir, vous éprouviez et plaisir et surprise.

Maintenant, et de moi-même, je veux vous donner un autre témoignage de ma force, un témoignage plus grand et qui frappera de stupeur tous ceux qui le verront. Parlant ainsi, il se pencha, tendit tous ses muscles, et avec la force des vents et des eaux qui ne trouvant point d’issue font trembler les montagnes, avec d’horribles secousses, ces deux massifs piliers il les secoua en avant et en arrière et il les ébranla à ce point qu’ils tombèrent et entraînèrent après eux avec le bruit de la foudre la voûte toute