cette situation était trop violente pour
durer. Le comte m’insulta ; nous sortîmes ;
la fureur nous guidait l’un et l’autre ;
je l’atteignis d’un coup mortel
qui l’étendit à mes pieds… Hélas ! le
voile affreux qui nous couvrait tombe
aussitôt ; le comte laisse tomber son
épée : je me précipite sur mon malheureux
ami, pour arrêter son sang…
(C’en est fait, me dit-il, il faut que je
meure… je l’ai mérité…) Ami, je
voulais t’arracher la vie… Dorville me
l’avait demandée. — Dorville, ô ciel !
— Ma passion était au comble… Elle
avait mis mon bonheur à ce prix…
Adieu, pardonnes-moi… Je suis bien
puni… Que je meure du moins ton
ami… — Il s’efforce de m’embrasser ;
il expire… Ô terre, engloutis-moi… Je
m’arrache de ce lieu d’horreur ; désespéré,
furieux, j’erre en proie aux furies
qui me déchirent. Je ne sais où je
Page:Mirabeau - Le Libertin de qualité ou Ma Conversion, 1801.djvu/263
Cette page a été validée par deux contributeurs.
( 105 )