vais ; mes pas s’arrêtent machinalement
devant la maison de l’infâme ; j’y
monte et je tiens encore le fer fumant
du sang de mon ami… C’est moi, c’est
moi, qui l’ai tué, m’écriai-je en hurlant
de douleur ; tiens, monstre, assouvis
ta rage ; il n’est plus ; tu voulais
qu’il versât mon sang ; tu m’as demandé
sa vie, tu lui demandais la mienne ;
viens, prends-là, rassasies-toi de carnage.
— Le sang-froid, la sérénité,
règnent sur son visage ; la joie y perce ;
elle ose encore me tendre les bras, me
féliciter sur ma victoire… Horrible Mégère !
tremble, cette main que tu as rendu
criminelle pourrait te punir. Un geste furieux
accompagne ces mots ; elle se précipite
à mes genoux, son sein palpite et la
pâleur le convie… Je jette mon épée
loin de moi ; toute son audace renaît…
Et bien, dit-elle, j’ai tout conduit, il
est vrai, je le détestais, j’ai alimenté
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