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EROTIKA BIBLION

saient à toutes sortes de personnes l’obligation de travailler à l’augmentation du genre humain, et il y a lieu de croire que les premiers hommes se faisaient une affaire principale d’obéir à ce précepte. Tout ce que la Bible nous apprend des patriarches, c’est qu’ils prenaient et donnaient des femmes, c’est qu’ils mirent au monde des fils et des filles, et puis moururent, comme s’ils n’avaient rien eu de plus important à faire. L’honneur, la noblesse, la puissance consistaient alors dans le nombre des enfants ; on était sûr de s’attirer par la fécondité une grande considération, de se faire respecter de ses voisins, d’avoir même une place dans l’histoire. Celle des Juifs n’a pas oublié le nom de Jaïr, qui avait trente fils au service de la patrie ; ni celle des Grecs, les noms de Danaüs et d’Egyptus, célèbres par leurs cinquante fils et leurs cinquante filles. La stérilité passait alors pour une infamie dans les deux sexes, et pour une marque non équivoque de la malédiction de Dieu. On regardait au contraire comme un témoignage authentique de sa bénédiction, d’avoir autour de sa table un grand nombre d’enfants. Ceux qui ne se mariaient pas, étaient réputés pécheurs contre nature. Platon les tolère jusqu’à l’âge de trente-cinq ans ; mais il leur interdit les emplois, et ne leur assigne que le dernier rang dans les cérémonies publiques. Chez les Romains, les censeurs étaient spécialement chargés d’empêcher cette sorte de vie solitaire[1]. Les célibataires ne pouvaient ni tester ni rendre témoignage[2] ; la religion aidait en ceci la politique ; les théologiens païens les soumettaient à des peines extraordinaires

  1. « Cœlibes esse prohibendos. »
  2. « Ex animi tui sententia, tu equum habes, tu uxorem habes ? testa. »