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NOTES SUR

eussent été assouvis. Tout prouve donc que le génie ne s’allume que par la chaleur amoureuse, et celle-ci ne brille que dans les caractères virils, même chez les femmes de lettres les plus célèbres[1].

Voici la traduction, par Boileau, d’une des odes que Sapho adressa à une Lesbienne, et qui fera juger de son beau génie :

Heureux qui, près de toi, pour toi seule soupire,
Qui jouit du plaisir de t’entendre parler,
Qui te voit quelquefois doucement lui sourire.
Les Dieux, dans son bonheur, pourraient-ils l’égaler ?

Je sens de veine en veine une subtile flamme
Courir par tout mon corps sitôt que je le vois ;
Et dans les doux transports où s’égare mon âme,
Je ne saurais trouver de langue ni de voix.

Un nuage confus se répand sur ma vue,
Je n’entends plus, je tombe en de douces langueurs ;
Et pâle, sans haleine, interdite, éperdue,
Un frisson me saisit, je tombe, je me meurs !

  1. Virey, Effets de l’amour sur l’esprit.