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L’ISCHA

Ces notions furent bien distinctes dans le paganisme, puisque les anciens associèrent les deux sexes à la Divinité : voilà ce qui est bien constaté, indépendamment de tout système sur la mythologie. Si les païens mettaient l’homme, dès le moment de sa naissance, sous la garde de la Puissance, de la Fortune, de l’Amour et de la Nécessité, car c’est là ce que veulent dire Dynamis, Tyché, Eros et Anagké, ce n’était probablement qu’une allégorie ingénieuse pour exprimer notre condition ; car nous passons notre vie à commander, à obéir, à désirer et à poursuivre. Autrement, c’eût été confier l’homme à des guides bien extravagants ; car la puissance est la mère des injustices, la fortune, celle des caprices, la nécessité produit les forfaits, et l’amour est rarement d’accord avec la raison.

Mais, quelque enveloppés que puissent être les dogmes du paganisme, il n’y a point de doutes sur la réalité du culte des divinités principales, et celui de Junon, femme et sœur du maître des dieux, fut un des plus universels et des plus révérés. Cette épithète de femme et de sœur montre assez sa toute-puissance : celle qui donne les lois peut les enfreindre ; ce secret célèbre et non moins commode de recouvrer sa virginité en se baignant dans la fontaine Canathus, au Péloponèse, était une preuve des plus frappantes de ce pouvoir qui légitime tout chez les dieux, comme chez les hommes. Le tableau des vengeances de Junon, exposé sans cesse sur les théâtres, propageait la terreur qu’inspirait cette formidable déesse. L’Europe, l’Asie, l’Afrique, les peuples barbares[1] comme les policés, l’honorèrent et la craignirent à l’envi. On la regardait comme une reine

  1. Elle était particulièrement honorée dans les Gaules et dans la Germanie sous le titre de déesse-mère.