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EROTIKA BIBLION

a existé longtemps dans l’état de pure nature, et n’ayant que l’instinct des animaux ; mais quand le souffle lui fut inspiré, Adam se trouvant le roi de la terre, il usa de sa raison, et nomma toutes choses.

Voilà donc deux créations bien distinctes : celle de l’homme, celle de son esprit, et c’est ici seulement que paraît la femme. Elle n’est pas créée du néant comme tout ce qui a précédé ; elle sort de ce qui existait de plus parfait ; il ne restait plus rien à créer ; Dieu extrait d’Adam le plus pur de son essence, pour embellir la terre de l’être le plus parfait qui eût encore paru ; de celui qui complétait l’œuvre sublime de la création.

Le mot dont le législateur hébreu se sert pour exprimer cet être, revient à virago[1], que le français ne peut pas traduire, que le mot femme n’exprime point, et qui ne peut se sentir que par l’idée de puissance de l’homme. Car vir signifie homme, et ago j’agis. Autrefois on disait vira[2] et non virago. Mais les Septante ont prétendu que par le mot vira, le sens de l’hébreu n’était pas rendu, ils ont ajouté go[3].

Je ne m’étonne donc point que Schurmann relève autant la condition du beau sexe, et s’indigne contre les sectes qui le dépriment. La parabole dont l’Écriture se sert en formant la femme de la côte d’Adam, n’a d’autre objet que celui de montrer que cette nouvelle créature ne fera qu’un avec la personne de son mari, qu’elle est son âme et son tout. La tyrannie du sexe fort a pu seule altérer ces notions d’égalité.

  1. Gen., chap. II, v. 23.
  2. Vira, de vir.
  3. L’allemand a conservé l’ancien rit dans mânnin, qui vient de mann. Mannin est le vira, et non le virago. Man wird sie mânnin heissen. (Gen., chap. II, v. 23.)