effacement de la pauvre créature… J’ai dit qu’elle était anguleuse… Elle eût pu avoir, par conséquent, un accent, un dessin, un modelé, où raccrocher un sentiment d’art et d’humanité, car la laideur a quelquefois des beautés terribles… Non, pas même cela… Elle était anguleuse sans angles, heurtée sans heurts, et si grise et si décolorée que, dans n’importe quelle lumière, sur n’importe quel fond, aucun contour n’était apparent… Hoffmann nous a conté l’histoire de l’homme qui a perdu son ombre… Rosalie était ce personnage plus effarant qui avait perdu ses contours… Elle ressemblait à un fusain sur lequel quelqu’un, par hasard, aurait frotté la manche…
Et voici ce qui se passa, un dimanche.
Ce dimanche-là, lorsque j’arrivai, à mon heure coutumière, chez les vieux amis de ma famille, je ne trouvai que le père. Il était fort grave, et plus cérémonieux que d’habitude… et je remarquai qu’il avait endossé la longue redingote des grands jours…
— Ces dames ne sont pas encore rentrées, me dit-il. Profitons de leur absence pour causer sérieusement… En deux mots, voici la chose… Il me força à m’asseoir dans l’unique fauteuil du salon, et s’assit lui-même, en face de moi, sur un pouf de tapisserie, qui représentait, ah ! je m’en souviens, un chien engueulant une perdrix !…