Page:Mirbeau - Chez l’Illustre écrivain, 1919.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

visage vraiment mondain demeure aussi frais, dans une étuve, que les beaux fruits à la rosée des matins de septembre ? « Ma gloire, toute ma gloire pour ne pas suer ! » disait-il en s’épongeant le front, le cou, avec violence et découragement.

Au moment où l’illustre Anselme Dervaux formulait mentalement ce vœu étrange, les tentures s’écartèrent, et Suzanne Hertheimer entra dans le boudoir en coup de vent.

— Cher ! cher ! cher !… cria-t-elle. Vous voir seul, enfin seul !… vous parler… vous dire… oui, vous dire tout ce qui là, dans ma tête, tout ce qui est là, dans mon cœur, pour vous !…

— C’est fort désagréable ! interrompit brutalement l’illustre écrivain, qui, à demi couché sur le fauteuil, les jambes écartées, continuait de s’éventer avec son claque. Vous me surprenez juste au moment où je ne voulais pas être dérangé et où je remettais un peu d’ordre dans ma psychologie… Grâce à vous, voilà encore une soirée perdue pour moi !…

— Ne me parlez pas ainsi !… supplia Suzanne. Ne soyez pas dur avec moi… Si vous saviez !… Depuis le jour où vous êtes venu dîner chez mon père, je ne vis plus… Cette chaise, cette chère chaise où, durant le repas, vous daignâtes vous asseoir, cette chaise bénie, tout imprégnée de vous, je l’ai emportée dans ma chambre, et je la baise et je l’étreins… et je lui parle comme si