Page:Mirbeau - Consultation, paru dans l’Écho de Paris, 10 novembre 1890.djvu/5

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Le Docteur (sceptique)

Ah ! ah !… Pas ça ?… Vous êtes sûr ?

Le Client

J’en suis sûr… J’ai des preuves… Non, non, ne souriez pas, ne plaisantez pas… ce n’est pas une blague !… C’est très sérieux !… sans ça !… Mon Dieu, ce serait tout de même bien ennuyeux… Mais enfin, on laisserait, peut-être, aller les choses… Tandis que vous voyez le scandale !… Les femmes sont impossibles… elles sont tout d’une pièce… Je lui disais souvent : « Une fois par mois… qu’est-ce que cela peut vous faire ? Ça le contente, et nous sommes sauvegardés ! » Elle ne pouvait pas… c’était plus fort qu’elle… Vous voyez le scandale… mon amie est très jolie, très riche… excessivement riche…

Le Docteur

Ah ! ah !…

Le Client

Vous voyez le scandale !… Grand nom, grande situation mondaine… Amie intime des princes… présidente d’une quantité d’œuvres de charité, d’associations religieuses… Une des plus hautes honorabilités du pays !… Dans ces conditions-là, vous comprenez, ça devient une question sociale, une question politique !… Négligeons le côté purement sentimental, si vous voulez, il n’en reste pas moins une question de moralité publique !… Procès retentissant… séparation… les avoués, les avocats, les tribunaux, les journaux !… Bref l’honneur d’une femme, détruit, perdu, ou tout au moins discuté !… C’est affreux !… Nous ne pouvons pas tolérer ce scandale… Eh ! grand Dieu… ne sommes-nous pas, tous les jours, assez attaqués, nous, les derniers soutiens de la monarchie et de la religion !…