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Page:Mirbeau - Dans la luzerne, paru dans l’Écho de Paris, 29 septembre 1891.djvu/2

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DANS LA LUZERNE


Le propriétaire.
L’invité.
Le domestique.

Le propriétaire et l’invité, en tenue de chasse, marchent dans la plaine, causant ; un domestique les suit qui porte une carnassière et qui tient un fouet à la main.


Le propriétaire (Il s’arrête près d’un champs de luzerne.)

Attention !… Voici ma luzerne… Cette luzerne est à moi…

L’invité (admiratif)

Quelle belle luzerne !

Le propriétaire

Oui, vous avez raison, c’est une belle luzerne… et bonne !… vous n’imaginez pas comme elle bonne, cette luzerne !

L’invité (d’un air fin)

Je m’en doute !

Le propriétaire.

Non, vous ne pouvez pas vous en douter… Tenez, monsieur, l’année dernière, à six heures du matin, j’y avais tué deux lièvres… Mon Dieu oui !… tout simplement !… Et des perdrix !… (Au domestique)… Combien ai-je tué de perdrix, l’année dernière, le jour de l’ouverture, dans ma luzerne ?

Le domestique

Je crois bien que c’est douze, monsieur…

Le propriétaire (se rengorgeant)

Vous voyez ; j’ai tué aussi douze perdrix dans ma luzerne !… (Au domestique). Combien de cailles ?

Le domestique

Je crois bien que c’est six ! Oui, c’est six ou huit…