Page:Mirbeau - Dans le ciel, paru dans L’Écho de Paris, 1892-1893.djvu/67

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Puis, après un silence, pendant lequel il me considéra avec des regards pénétrants et mélancoliques.

— Sais-tu quel est ton mal à toi ?… Eh bien je vais te le dire… Tu es un artiste… Et c’est fâcheux… parce que, vois-tu, ce n’est pas le tout, d’être un artiste… il faut être un homme aussi !… Enfin !

— C’est beau, l’art ? demandai-je.

Lucien répondit :

— Oui, c’est beau !…

Puis il fit un geste vague, et il reprit…

— Mais tout est beau, quand on sent… quand on comprend… Allons, viens !

Je ne le quittai pas, durant les quinze jours qu’il passa au pays… Ses paroles m’émerveillaient, elles ne m’étaient pas inconnues. Il me semblait les avoir entendues, jadis, et elles me charmaient comme les vieilles musiques avec lesquelles on a été bercé.

Quand Lucien partit pour Paris, je partis avec lui.