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oeuvre, que je contemple avidement, se ravive, avec plus de force que jamais, la poignante douleur d’avoir perdu ce grand ami qui la créa... Puis, peu à peu, à la douleur, succède comme une douceur, comme une joie presque, de le retrouver, parmi nous, si immortellement vivant. (1904.)


III

CLAUDE MONET

« VENISE »


Devant ces toiles où tant de certitude et de jeunesse se mêlent, je me souviens d’une parole de Claude Monet :

— Venise… non… je n’irai pas à Venise…

Claude Monet avait raison. Venise n’est pas une ville. Vivante ou morte, une ville nous émeut par les maisons, les hommes et l’atmosphère. Or, à Venise, tous les poètes savent bien qu’il n’y a pas de maisons, mais des palais. Il n’y a pas d’atmosphère, puisqu’un voile rose est posé sur Venise, comme une écharpe autour d’une danseuse. Il y a un rose Venise, comme il y a un vert Véronèse. Venise a chaviré sous le poids des imbéciles. Les littérateurs l’ont peinte et les peintres l’ont décrite. Il y eut peut-être jadis une ville qui s’ap-