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Page:Mirbeau - Eugène Carrière, paru dans l’Écho de Paris, 28 avril 1891.djvu/7

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frappé, vous ne voyez réellement que l’objet lui-même. Tout, autour de lui, se brouille, se confond dans une sorte d’ombre, dans une enveloppe de limbes. Ce n’est qu’après, et l’émotion passée, que surgissent un à un les détails ambiants et que vous percevez les rapports existant entre eux et l’objet. Mais l’objet est devenu alors, comme le reste, un accessoire, car il a perdu la vie particulière qui l’animait, l’émotion qu’il contenait. Il n’y a plus rien.

C’est ainsi que Carrière, parfois, accumule, pour la rendre plus sensible, plus vraie, plus vivante, toute la sensibilité morale d’un être, toute sa signification humaine, dans sa nuque, dans ses mains, et même, dans la flexion de ses poignets. Oh ! les mains des tableaux de Carrière, ces mains merveilleuses qui étreignent, qui caressent, qui pleurent, qui protègent, qui s’effacent ! Comme il a compris leur langage muet, si joli, si éloquent, si tendre, si terrible, si douloureux ! Comme il a rendu leur immense amour, leur immense courage, leur immense accablement. Comme il les a faites sublimes et maternelles, les mains des mères ! Et