Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/128

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sieur l’abbé, tout ça !… Et qu’est-ce qui aurait dit que je l’eusse rebâtie, hein ?

— Rebâtie !… rebâtie !… fit Jules qui s’imagina que le trinitaire voulait se moquer de lui… Dites donc, voilà quarante ans que vous la bâtissez… et il n’y a rien !

— Rien ?… s’écria le Père Pamphile embrassant, d’un geste grandiose et furibond, toute la cour encombrée de matériaux… Eh bien ! et ça ?… Et tout ça ?… Qu’est-ce que c’est, alors ?… C’est-à-dire que le plus difficile est fait… Maintenant, je n’ai qu’à construire !… Mais si nous allions à l’abri quelque part ?

Jules refusa et s’assit sur un bloc de granit ; sans insister davantage, le moine s’accroupit sur un monceau de cailloux, en face de lui. Et, tous les deux, ils se regardèrent. Le vent soufflait plus fort, accélérait la pluie qui hachait le ciel de raies obliques et fouettantes. De temps en temps, des pierres détachées des murailles, tombaient sur le sol, avec un bruit mou, et des éclats d’ardoise volaient dans l’air.

— Êtes-vous en fonds ? demanda brusquement l’abbé.

— Je suis toujours en fonds ! répondit le Père Pamphile… Justement, il y a huit jours, je suis revenu de Hongrie. Le voyage a été bon… À Gran… ah ! c’est très drôle… figurez-vous que j’étais descendu chez le Primat… Un homme très gai, très farceur, et très généreux !… Il me disait : « Mon Père, chantez-moi la Marseillaise, et je vous donnerai cent florins ! » Je