Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/127

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visage ruisselant et très rouge, s’acharnait à piocher.

— Bonjour, mon Père ! dit l’abbé.

Le Père Pamphile leva la tête et reconnaissant l’abbé :

— Ah ! c’est vous, monsieur l’abbé ! fit-il joyeux et surpris… Vous venez visiter mes travaux ?… C’est très gentil… vous le voyez, ça marche !

— Et qu’est-ce que vous faites là, mon Père, avec votre pioche ?

— Je creuse, monsieur l’abbé, je creuse les fondations… Mais le temps est bien mauvais !

Le Père Pamphile lâcha la pioche, essuya sa longue barbe, étoilée de boue, et rabattit sur ses jambes la robe qu’il avait nouée autour de ses reins.

— Bien mauvais ! répéta-t-il… Et c’est cette eau qui me gagne !… Donnez-moi donc la main, que je remonte… Ah ! c’est très gentil à vous, d’être venu !… Seulement, je ne puis vous recevoir dans ma chambre… Figurez-vous qu’hier, on m’a volé mon échelle… Et Monseigneur, comment va-t-il ?

Tout en parlant, aidé de l’abbé, il avait quitté son trou et sauté, d’un mouvement leste, sur la cour. Après les politesses échangées, l’abbé demanda :

— Alors, c’est votre église, ça ?

Le vieillard eut un rengorgement de fierté. Et, désignant l’espace hexagonal, autrefois couvert de ronces, aujourd’hui couvert de terres remuées, et qu’entourait un mince cordeau, tendu sur des piquets, il répondit :

— Tout ça, c’est mon église !… Oui, mon cher mon-