Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/185

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raux, commença un ouvrage de philosophie religieuse, qui devait régénérer le monde : Les Semences de vie, œuvre très vague et très symbolique, où il faisait parler des Christs athées et babyloniens, dans des paysages de rêve. La tête en feu, il traçait des gestes énormes, qui résumaient des pensées et des décors grandioses, disant tout à coup :

— Çà et là, des pylones !… Et Jésus s’avance parmi des foules… Une femme vient vers lui, hideuse, aveugle, avec des pieds en forme de griffes : « Qui donc es-tu ? — Je suis la Justice humaine ». Jésus la repousse, et lui dit : « Tu ne jugeras point ».

« … Une autre femme apparaît, souriante, avec un corps et des regards d’enfant : « Qui donc es-tu ? — Je suis la Folie ! » Et Jésus l’embrasse : « Va, ma fille, et sois maternelle… »

Les difficultés de composition l’arrêtèrent, dès le second chapitre, et il se consacra à un livre de polémique : Le Recrutement du Clergé, ou la Réforme de l’Enseignement religieux, dont il n’écrivit que quelques feuillets, faute de documents, ce qui l’amena à se passionner, de nouveau, pour sa bibliothèque. Ensuite, il se jeta dans le spiritisme. Le soir, entre le vicaire silencieux et troublé, et le jardinier, ahuri et sommeillant, il s’asseyait autour d’un guéridon et, jusqu’à minuit, il évoquait Salomon, Caligula, Isabeau de Bavière, les rois formidables de Ninive, la Sulamite et Marie-Antoinette. Puis, redescendant les hauteurs des spéculations magiques, un jour, il s’installa à la