Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/184

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l’église, bouleversa le conseil de fabrique, par un accaparement abusif de l’autorité, et se mit en lutte ouverte, acharnée, contre le maire et le conseil municipal. Bientôt, en haine du curé, l’esprit d’irréligion souffla sur ce petit coin de terre, autrefois si tranquille et si soumis ; et l’on vit ce qui ne s’était jamais vu encore : un enterrement civil. Le dimanche, aux heures des offices, l’église resta presque vide de fidèles, à l’exception de quelques dévotes obstinées qui ne comptaient pas, faisant pour ainsi dire partie du mobilier ecclésiastique. Et les choses en vinrent à une telle intensité d’excitation que le maire et le curé, s’étant rencontrés, une matinée, derrière le cimetière, dans un chemin, se prirent de querelle et se battirent comme des portefaix. Dans une dénonciation anonyme adressée à l’évêque, on lisait ceci : «… Enfin, Monseigneur, depuis l’arrivée du curé Dervelle, le nombre des cabarets qui n’était que de dix-huit sur une population de mille cinquante-trois âmes, s’est accru dans une proportion scandaleuse. Il est actuellement de quarante-six. C’est la ruine morale de la paroisse. »

Ces distractions ne suffisaient pas à remplir les journées de Jules. Tout en continuant d’exaspérer ses paroissiens par d’incessantes vexations, il eut alors des fantaisies, des caprices, auxquels il se livrait avec emportement et qui ne duraient pas et que remplaçaient d’autres caprices et d’autres fantaisies, vite abandonnés. Tour à tour, il cultiva les tulipes, apprit l’anglais, éleva des faisans, collectionna des miné-