Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/206

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Jules… un fou, un original, un prêtre sacrilège !… vous verrez ça !… Et vous pourrez le tâter… vous rendre compte que ce n’est point une farce, mais bien une réalité vivante »… Tu espérais te payer le petit plaisir de me montrer comme un ours de ménagerie, une monstruosité de la foire, un mouton à cinq pattes !… Et tu crois que je vais rester une seconde de plus dans ta baraque, avec un imbécile comme toi, une mijaurée comme ta femme ?… Tu le crois ?… Je vais à l’hôtel… à l’hôtel… tu entends… à l’hôtel !…

Il endossa sa douillette qu’il avait quittée, referma son sac de nuit qu’il avait ouvert, et :

— Je vais à l’hôtel ! grommela-t-il… Bonsoir !

L’abbé passa devant mon père ahuri, descendit l’escalier, et s’en alla. On entendit la grille qui se referma sur lui, furieusement.

Le dîner fut morne et silencieux. Le curé Sortais ne mangea point, l’estomac déconcerté par cette incroyable aventure. De temps en temps, il demandait :

— Alors, il est parti, comme ça ?… comme ça ?

Et sur un mouvement de tête affirmatif de mon père :

— Mais, c’est impossible ! gémissait-il… c’est impossible !

Deux fois, dans le silence, le juge de paix lança ces mots qui résumaient ses réflexions importantes :

— Taris !… Taris !… c’est dien évident !… Voilà !…

Mme Robin, très raide, conserva une dignité de