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tablement il y avait une malle. Mais lequel ? Et que contenait cette malle ? On se livrait, à propos de la malle, à des commentaires prodigieux, à de tragiques suppositions qui ne contentaient point la raison. Quant à la bibliothèque, elle excitait vivement la curiosité, dans un autre sens.

— Ça doit valoir cher, une bibliothèque comme ça ? disait ma mère.

Et mon père, d’un air entendu, surenchérissait encore.

— Une bibliothèque comme ça ?… on ne sait pas ce que cela vaut !… Peut-être vingt mille francs.

Alors ma mère soupirait :

— Et dire qu’il ne la laissera même pas à son filleul !

Mais bientôt la vie, que troublaient tous ces événements, reprit son train-train accoutumé. Il était visible que ma mère songeait aux Capucins, et qu’elle combinait des plans dans sa tête ; néanmoins, elle ne parlait plus aussi souvent de l’abbé. Elle avait avec Victoire des conférences secrètes, de longs entretiens qui ne franchissaient plus la porte de la cuisine. Quant à mon père, il finit par se consoler de sa fâcherie avec son frère, en se disant presque gaîment :

— Bah !… Ç’a toujours été comme ça, avec Jules… Ça peut bien continuer… Nous n’en sommes pas, Dieu merci ! à attendre après son argent !

Du reste, deux accouchements importants, dont il fut fort question à table, vinrent le distraire de ses