Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laver la vaisselle, récurer les chaudrons, balayer, cirer les chaussures. Et puis, toute la journée, il cousait. Il raccommodait les torchons, le gros linge, ravaudait les vieux bas, ou bien il tricotait des caleçons pour son père. Assis derrière la même fenêtre, toujours courbé, le visage terreux, son pauvre corps de temps en temps secoué par la toux, il piquait la toile, s’interrompant quelquefois, pour regarder les gamins qui jouaient à la marelle sur les dalles du marché au blé, pour suivre le vol familier des pigeons, et les charrettes qui s’en allaient vers les grandes routes, dans les verdures et dans le soleil.

Mme  Robin vint nous ouvrir. Elle était en camisole flottante ; un tablier de cotonnade bleue préservait son jupon, un jupon de dessous, noir, mal attaché, qui découvrait le bas de ses jambes et ses pieds chaussés de pantoufles en tapisserie. Dès qu’elle nous eut reconnus elle se cacha vivement, derrière la porte, honteuse d’être surprise en ce déshabillé qui complétait sa laideur et faisait ressortir davantage la couperose de son teint.

— Je ne puis pas vous recevoir comme ça, cria-t-elle… Je suis à la cuisine en train de hacher un pâté… Laissez-moi passer une robe, au moins…

— Mais non, mais non, insista ma mère… Nous ne voulons pas vous déranger, ma chère amie… J’irai avec vous dans la cuisine… Albert causera avec Georges… J’ai du nouveau…

Mme  Robin montra sa tête intriguée, et minaudant :