Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même en dehors des petits ou gros événements, dont les Capucins étaient l’inépuisable source.

Un jour que nous passions devant la maison des demoiselles Lejars :

— Tiens ! fit ma mère. Il faut que je demande un renseignement à Mme  Robin.

Les demoiselles Lejars habitaient le rez-de-chaussée ; le premier, l’unique étage, était occupé par les Robin. En levant les yeux vers cette maison que je détestais, j’aperçus, derrière l’une des fenêtres, le maigre profil de Georges, penché sur un travail de couture. Les mains de l’enfant allaient et venaient, tirant l’aiguille.

— Au moins, lui, il est utile à quelque chose ! observa ma mère, d’un ton de reproche, tandis que nous nous engagions dans un couloir obscur, carrelé de rouge, au fond duquel un escalier sans rampe, droit, presque une échelle, conduisait à l’appartement des Robin.

Depuis quelque temps, Mme  Robin avait interrompu l’éducation de son fils. Difforme, maladif comme était le petit Georges, elle avait jugé qu’il ne fallait pas compter sur son avenir, que toute carrière lui serait interdite, plus tard. Alors, à quoi bon dépenser de l’argent en instruction qui ne devait servir à rien ? Vivrait-il seulement ? Elle en doutait. En attendant, sa mère songea à l’employer dans le ménage, à en faire, en quelque sorte, sa domestique. Elle le chargea des besognes répugnantes et sales, ce qui lui évita de prendre une femme à la demi-journée ; il dut aussi