Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/255

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l’abbé Jules et de Madeleine, j’avais complètement oublié le peu de latin que m’avait enseigné le curé Blanchard. L’orthographe, l’arithmétique, l’histoire de France, n’étaient plus que des souvenirs déjà vieux, effacés. Je grandissais en force et en muscles.

— Comment dit-on feu en latin ? me demandait mon oncle, lorsque je rentrais dans la maison, suant, soufflant, tout embaumé de fraîches odeurs d’herbes.

— Je ne sais pas, mon oncle.

— Très bien ! faisait l’abbé, en se frottant les mains avec satisfaction… Parfait !… Et comment écrirais-tu hasard ?

Je réfléchissais un instant, et épelant le mot :

— H…a… Ha… z…

— Z… z !… à la bonne heure !… Madeleine ! Madeleine !… Donnez une tartine de confitures à M. Albert…

De loin en loin, il m’emmenait à la promenade. Souvent, à propos de la moindre chose, d’une plante cueillie dans le fossé de la route, d’un dos de paysan entrevu sous un pommier, d’un mouton, d’un nuage, d’une spire de poussière formée par le vent, il parlait en des théories de vie sociale, hachées de réflexions comme celle-ci :

— Je ne sais pas pourquoi je te dis tout cela… Tu ferais peut-être mieux d’être notaire ?

Il était rare qu’il ne nous arrivât point quelque extraordinaire aventure. Nous avions, une après-midi, rencontré une petite mendiante. Elle cheminait, près de nous, tendant la main.