Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/254

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des oiseaux est respectable… Sais-tu ce que tu détruis en eux ?… Tu détruis une musique, un frémissement, de la vie, enfin, qui vaut mieux que la tienne… As-tu regardé l’œil des oiseaux ?… Non… Eh bien ! regarde-le… et tu ne tueras point… Maintenant, va jouer… Monte aux arbres… Rue des pierres… Va !…

C’est par ces tirades d’un anarchisme vague et sentimental que mon oncle me préparait au baccalauréat futur, ambition de mes parents.

D’ordinaire, les leçons se bornaient à des courses dans le jardin, à des exercices de toute sorte, violents et continus. Une fois par semaine, au plus, sous l’acacia-boule, l’abbé, coiffé d’un chapeau de paille, en forme de cloche, et vêtu de sa houppelande verte, qui jaunissait à l’air, m’initiait aux secrets de sa philosophie, laquelle m’effrayait bien un peu, mais que je ne comprenais pas du tout. Je le voyais rarement ; des jours entiers se passaient sans qu’il se montrât : il travaillait dans sa bibliothèque, ou bien il s’enfermait dans la mystérieuse chambre, avec la malle… Madeleine et moi, nous l’entendions parfois trépigner, crier, et la servante soupirait :

— Allons, bon !… Le v’là cor avec la bête !… Ben sûr que ça finira mal !

Ces jours-là, Madeleine m’employait à tirer de l’eau du puits, à tasser le bois dans le bûcher. J’en vins bientôt à éplucher ses carottes, à faire une partie de sa grosse besogne.

Depuis un an que je suivais les bizarres cours de