« Noun était suffoquée de larmes ; elle avait arraché les fleurs de son front, ses longs cheveux tombaient épars sur ses épaules larges et éblouissantes. Si Mme Delmare n’eût eu, pour l’embellir, son esclavage et ses souffrances, Noun l’eût infiniment surpassée en beauté dans cet instant ; elle était splendide de douleur et d’amour. »
— Moins vite ! dit mon oncle, très bas… Et ne te remue pas ainsi sur ta chaise.
« Raymond vaincu l’attira dans ses bras, la fit asseoir près de lui, sur le sofa, et approcha le guéridon, chargé de carafes, pour lui verser quelques gouttes d’eau de fleur d’oranger dans une coupe de vermeil. Soulagée de cette marque d’intérêt, plus que du breuvage calmant, Noun essuya ses pleurs, et, se jetant aux pieds de Raymond :
« — Aime-moi donc encore, lui dit-elle, en embrassant ses genoux avec passion ; dis-moi encore que tu m’aimes, et je serai guérie, je serai sauvée. Embrasse-moi comme autrefois, et je ne regretterai plus de m’être perdue, pour te donner quelques jours de plaisir. »
— Arrête ! dit mon oncle, d’une voix basse et sourde, pareille à un râle d’enfant… Arrête.
Je subis d’étranges sensations, et j’ai comme une lourdeur à la tête. Ces mots : l’amour, le plaisir ; le sofa, la coupe de vermeil, Raymond, Noun, ces baisers, ces épaules éblouissantes, tout cela me trouble. Il me semble que les lettres du volume revêtent des formes