Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/289

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Le bedeau répondit :

Et omnibus habitantibus in ea.

Ayant déposé le ciboire sur la table, aspergé d’eau bénite l’assistance, il dit encore :

Dominus vobiscum !

Le bedeau répondit :

Et cum spiritu tuo.

L’abbé prit le crucifix, l’approcha des lèvres de la mourante, mais les lèvres restèrent inertes au contact du Dieu. Elle ne voyait plus, n’entendait plus, ne sentait plus. Ses yeux regardaient déjà dans l’infini. Alors il se pencha sur elle, tendrement. Un souffle faible et doux comme l’haleine suprême d’une fleur qui tombe, épuisée et flétrie, s’exhalait de ses dents serrées. Le drap, sur sa poitrine, n’était pas même soulevé. Et l’enfant, sous le pâle masque de la mort, gardait un air de jeunesse et d’attendrissante beauté.

— C’est Dieu qui vient vers vous, dit mon oncle… Ne l’entendez-vous point ?

Le jeune fille demeura immobile.

Alors l’abbé se tourna vers les assistants, vers les femmes agenouillées dont la lumière rasait les coiffes blanches, vers les hommes debout, qui tendaient, dans l’ombre, leurs visages bruns.

— Elle meurt ! dit-il.

Et désignant le ciboire qui brillait sur la table, et les saintes huiles dans leur burette d’argent, il ajouta :

— À quoi bon ?… ne la troublons pas… Et priez, vous qui l’aimiez.