Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/291

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— Bonsoir !… C’est toi ?

— Oui !… Je sortais de la maison… Je t’ai reconnu… Il est tard… tu es souffrant… Veux-tu que je te ramène en voiture ?

— Je veux bien ! fit mon oncle…

— Et le ciboire ?… Tu avais le viatique, tout à l’heure, il me semble !

— Ah ! oui ! Tiens… Je l’ai laissé !… Tant pis, Baptiste s’en arrangera…

Nous nous tassâmes, tous les trois, dans le cabriolet… Mais bientôt mon oncle commença de haleter.

— Tu souffres ?… lui demanda mon père.

— Oui !… oui !… J’étouffe !… là… J’étouffe !… Je suis en nage… et puis je grelotte.

Mon père l’enveloppa de sa couverture, tira de sa poche une petite bouteille d’alcali qu’il lui fit respirer.

— Pourquoi ne veux-tu pas me recevoir ? dit-il avec un tendre reproche… Je te soignerais bien… Je te guérirais… Voyons, Jules, je suis ton frère, que diable !… Et je ne t’ai rien fait, jamais !…

Alors, mon oncle répondit entre des hoquets douloureux :

— Je veux bien… Viens… que ta femme vienne aussi… J’étouffe !…

Le lendemain, mon père et ma mère vinrent aux Capucins. Ils trouvèrent l’abbé, dans son lit, en proie à de la fièvre. Il avait voulu se lever, le matin, à son heure habituelle, mais il avait eu une syncope, suivie