Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/296

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la bouilloire chantait, posée dans les cendres chaudes de la cheminée.

— Petit, me dit mon oncle, ferme la porte, afin que personne n’entre… et viens ici, près de moi… J’ai à te parler, à toi seul, à toi tout seul… Car, tu es le seul être qui m’ait réellement aimé.

La douceur triste avec laquelle il m’avait dit cela m’émut, au point que je ne pas retenir mes larmes. Et, brusquement, j’éclatai en sanglots.

— Allons, allons, consola le malade tendrement. Ne pleure pas, mon enfant, et fais ce que je t’ai dit.

Je verrouillai la porte et je m’approchai du lit. Mon oncle me sourit, se recueillit pendant quelques instants.

Au dehors, dans le jardin, le cousin Debray marchait, crachait. Lui aussi, s’était installé aux Capucins, n’en bougeait plus, surveillant mes parents avec inquiétude. Sa présence était pour mon oncle un sujet d’agacement, bien que celui-ci, parfois, plaisantât le capitaine. « Vous savez, mon cousin, lui disait-il, quand je serai mort vous m’empaillerez, vous me mettrez débout sur une planchette de sapin, avec une noix dans les pattes, comme vos putois. » À quoi le capitaine répondait : « Est-il farceur, ce Jules… Je n’ai jamais vu un nom de Dieu de malade comme toi ! » On avait cependant obtenu du cousin qu’il pénétrât dans la chambre la plus rarement possible. Il partageait ses journées en promenades autour de la maison, ou bien en longues stations dans la bibliothèque, cherchant à