Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/305

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— Mon oncle !… mon oncle ! implorai-je… parlez-moi, regardez-moi…

Il continua, plus faiblement, sans bouger ; tandis que sa main hachait la toile, ainsi qu’une patte de crabe :


C’que j’ai sous mon jupon
Lari ron
C’que j’ai sous mon jupon,

C’est un p’tit chat tout rond
Lari ron
C’est un p’tit chat tout rond.


Puis, il s’endormit d’un sommeil douloureux, coupé de réveils brusques et de sanglots.

En proie à une surexcitation extraordinaire, il passa une nuit mauvaise. La fièvre redoubla. Son cœur battait ainsi qu’une horloge dont le ressort se détraque ; il semblait que la vie se dévidait en un bruit de sonnerie affolée. Le délire mettait en son regard une démence terrible, en ses gestes une hallucination de meurtre. Mon père qui le veillait, aidé de Madeleine, eut beaucoup de difficultés à le contenir. Il voulait se lever, poussait des cris sauvages, tentait de se ruer contre un être imaginaire qu’il voyait et dont il suivait les mouvements désordonnés, avec une fureur croissante, de minute en minute. Il croyait que c’était le curé Blanchard.

— Tu guettes mon âme, bandit, hurlait-il… tu ne veux pas qu’elle s’éparpille dans les choses, voleur…