Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/318

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vais fils que la blouse dégoûte et qui renient leurs pères aux dos courbés, aux doigts calleux ; pour eux, le sacerdoce c’est le confortable bourgeois du presbytère, la table servie, l’orgueil d’être salués très bas par les passants. Si la plupart de ces tristes êtres, paysans révoltés et envieux, étaient nés riches, ils n’auraient pas songé une seule minute à entrer dans les ordres, et si la fortune leur arrivait, tout d’un coup, presque tous s’empresseraient d’en sortir. J’en veux faire l’éclatante et publique démonstration.


Ceci donc est mon testament, et mon testament est cette démonstration.


Au premier prêtre du diocèse qui se défroquera, à partir du jour de ma mort, je lègue, en toute propriété, mes biens meubles et immeubles, composés ainsi qu’il suit :

1° Ma maison des Capucins, avec ses dépendances et tous les objets mobiliers qui la garnissent, de la cave au grenier, à l’exception toutefois de ma bibliothèque, dont je dispose ci-après.

2° Trois mille cinq cents francs de rentes, en valeurs diverses, dont les titres, tous nominatifs, sont déposés chez le notaire de Viantais.

3° L’argent monnayé, coupons, créances, etc… qui pourraient se trouver chez moi, à l’époque de mon décès.

Je ne doute pas que, ces dispositions étant connues, un grand nombre de prêtres ne se défroquent et ne viennent réclamer âprement ma maison, mes rentes, mon argent, mes meubles. C’est pourquoi je charge mon exécuteur testamentaire de veiller à ce que la qualité de « premier défroqué » soit bien et dûment établie — ce qui sera une source de haines, de jalousies féroces, de mensonges impudents, de faux témoignages, de passions hideuses, qui mon-