Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/325

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pes de femmes, des images phalliques, des nudités prodigieuses, des seins, des ventres, des jambes en l’air, des cuisses enlacées, tout un fouillis de corps emmêlés, de ruts sataniques, de pédérasties extravagantes, auxquels le feu, qui les recroquevillait, donnait des mouvements extraordinaires. Tous nous nous étions rapprochés, les prunelles dilatées par ce spectacle imprévu.

— Va-t’en !… va-t’en, petit !

C’était mon père qui m’avait pris par le bras, et me renvoyait, loin du bûcher.

— Va-t’en !… va-t’en, petit.

Je me retirai, l’esprit très troublé, et me postai à l’entrée de l’allée de lauriers. Durant un quart d’heure, tous les cinq, ils restèrent là penchés au-dessus de la flamme, balançant, au bout de leur col étiré, des têtes curieuses et des regards voraces.

Le feu s’éteignit, la fumée se dispersa. Et toujours ils regardaient le tas de cendre qui se refroidissait.

Le retour à Viantais fut silencieux. Sur la place, au moment de quitter M. Robin, je levai les yeux sur la maison des demoiselles Lejars. Derrière sa fenêtre, le petit Georges cousait, plus courbé, plus terreux, plus anguleux que jamais. Ses mains allaient et venaient, tirant l’aiguille.

— À ce soir ! dit mon père au juge de paix.

— À ce soir ! répondit M. Robin.

Le soir, la vie recommença comme par le passé. À plusieurs reprises, mon père s’écria :