Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/34

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politique, tremblaient aux souvenirs sanglants de 1848, s’extasiaient sur les mérites de M. de la Guéronnière, comparaient Jules Favre à Marat.

— Il est venu tlaider une fois, à Dayeux, disait M. Robin… Je l’ai vu… Ah ! mon ami ! quelle effrayante figure il a ! Il fait teur, tositivement… Mais, tar exemtle, soyons justes, il tarle dien… Ce qu’il dit, tout de même, vous savez, c’est envoyé !…

Le dimanche, on organisait une partie de bog, avec le curé Sortais ; et, bien que les enjeux fussent représentés par de modestes haricots, Mme  Robin se montrait d’une âpreté farouche, dans le gain, exigeait, au moindre coup douteux, qu’on se référât à la règle écrite. En sa qualité d’homme habitué aux obscurités des exégèses juridiques, M. Robin était chargé d’expliquer, de commenter, de discuter, de juger.

— Le dog, affirmait-il, en prenant la pose auguste d’un président de cour d’assises, le dog n’est toint comme le code… Cetendant, il est dien évident que les rattorts, les rattrochements, et je dirais même, les analogies…

Finalement, il tranchait toujours les difficultés, en faveur de sa femme.

Sous prétexte qu’ils n’avaient rien trouvé de convenable, pour s’installer avec leurs meubles, restés à Bayeux, sous la garde d’une tante, les Robin occupaient provisoirement le premier étage d’une maison que leur louaient les demoiselles Lejars, deux vieilles filles, riches et dévotes, grosses et roulantes, toutes