Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

père dut raconter sa vie, depuis son enfance jusqu’à son départ pour Paris. Ayant eu très fort sommeil ce soir-là, malgré l’excitation où me mettaient ces événements si considérables, et l’insupportable présence de Mme  Robin, je n’ai pas retenu grand-chose de ce récit. Je n’ai guère retenu que les exclamations scandalisées de nos amis, qui accompagnaient chaque épisode un peu vif.

— Est-il Dieu possible ?… Un prêtre !…

Je me souviens aussi qu’il fut fort question d’une dame Boulmère, morte en couches, quelques jours auparavant, et je revois encore mon père expliquant la maladie…

— Vous comprenez… Tenez… l’utérus, ou la matrice, si vous aimez mieux, c’est comme un ballon… La partie renflée est en haut, n’est-ce pas ?… Alors, ça pèse…

Puis l’on revint à l’abbé Jules. Il était dix heures et demie, lorsque les Robin partirent.

— Réfléchissez bien, chère madame, disait l’horrible Mme  Robin en remettant sa capeline… Ne brusquez rien… On ne sait jamais ce qui peut arriver… Et puis si vous avez besoin de nous, ne vous gênez pas… Je vous aime tant… J’aime tant votre petit Albert !…

Mon père et M. Robin causaient ensemble.

— Teut-être les femmes ?… disait celui-ci.

— Non… non !… répondait mon père… Il doit y avoir autre chose !… Qu’a-t-il pu fabriquer à Paris ?