Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/52

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et cachaient, sous des dehors soumis et dévots, les appétits grossiers du cuistre, les viles convoitises du paysan réfractaire. Eux, renforçant leurs méfiances originelles de la haine toute neuve du demi-bourgeois, contre quelqu’un qui n’était ni de leur race psychique, ni de leur classe sociale, le détestaient. Ils le redoutaient aussi beaucoup, à cause de la protection « scandaleuse » dont l’évêque le couvrait, à cause de ses colères terribles et de ses cruelles moqueries, et voyaient en lui, avec épouvante, l’apôtre de l’hérésie future, un iconoclaste, un assermenté, « un Lamennais ». Car Lamennais, dans les rares instants où ils se permettaient de penser librement, représentait pour eux la dernière incarnation du diable. Jules termina, sans trop d’encombres, ses études religieuses, et, quand il sortit du séminaire, ce fut pour entrer à l’évêché, en qualité de secrétaire de Monseigneur.

Ce jour-là, Mme Dervelle oublia les angoisses passées et goûta tout le délice de l’orgueil maternel. Elle se rendit chez le curé, l’âme remuée par un bonheur si doux, qu’il lui semblait que des anges l’emportaient, en chantant des hymnes, vers des paradis de lumière.

— Eh bien ! ma petite dame, s’écria le bon curé, qui serra avec effusion les mains de sa chère paroissienne. Eh bien ! que vous avais-je dit ?… Est-ce un miracle, oui ou non ?… Est-ce un miracle, nom d’un petit bonhomme ?…

Elle ne trouva pas de mots assez grands, assez nobles