Page:Mirbeau - L’Abbé Jules, éd. 22, Ollendorff.djvu/61

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son protecteur. Sans y déployer la moindre ruse de diplomatie ecclésiastique, du fait seul de son effronterie, il avait, sinon tout à fait brouillé le grand vicaire avec l’évêché, du moins détruit complètement son influence et bridé son autorité. Non seulement, le grand vicaire ne comptait plus, n’était plus consulté en rien, mais encore Monseigneur lui avait retiré, au profit de Jules, quelques-unes de ses plus précieuses attributions. Il en résulta des événements graves, inattendus, qui, durant plusieurs mois, comme on le verra plus loin, ébranlèrent le monde catholique et mirent en mouvement toutes les chancelleries de l’Europe.

L’évêque était un homme très tolérant, très accommodant en toutes choses, d’un libéralisme prudent et discret qui le faisait vivre en paix, avec le pouvoir civil et avec Rome. Il aimait les fleurs et les poètes latins, et quand il n’était pas dans son jardin, à écussonner ses rosiers, ou dépoter ses géraniums, il travaillait dans sa bibliothèque, où il traduisait Virgile, en vers démodés. Craignant le bruit, ayant horreur de tout ce qui ressemble à une lutte, à un conflit, il savait, avec une rare adresse, ménager les partis et les coteries, se gardait d’une initiative quelle qu’elle fût, autant que d’une mauvaise action. Dans ses allocutions, ses lettres pastorales, ses mandements, il esquivait soigneusement les questions irritantes, se bornait aux banalités ambiguës, aux recommandations courantes du catéchisme. On y eût vainement cherché