Page:Mirbeau - L’Ordure, paru dans le Gaulois, 13 avril 1883.djvu/6

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plice de Madeleine Badajou. On trouve Zola terne et pâle, Goncourt bégueule.

Cette littérature, à laquelle tout le monde avidement se rue, est bien à l’image de notre époque, cette époque bizarre et nymphomane, où les filles possèdent leur journal officiel, comme un gouvernement ou une maison de banque, et, gravement, discutent de leurs intérêts, de leurs valeurs cotées, de leurs entreprises ; où l’on parle, tout haut, avec sérénité, ainsi que d’une chose naturelle, des passions hors nature et des vices inavouables ; où les cerveaux blasés, les nerfs émoussés, les sexes surmenés vont cherchant des combinaisons nouvelles, des vibrations inconnues de plaisirs, des confusions et des promiscuités monstrueuses. C’est à qui se prosternera en adoration devant l’image glorifiée du Dieu antique, qui domine notre société comme le seul Dieu resté debout, le seul Dieu que n’ait point renversé la vague déferlante de l’ordure.

C’est vers lui que montent toutes les prières, c’est à lui que vont tous les chants, c’est pour lui que la littérature élève dans sa boue, ses monuments de honte et ses temples d’infamies où la foule se précipite et s’agenouille.