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L’Interviewé

Mais sapristi !… sapristi !… Je vous dis que…

L’Interviewer (sans paraître entendre les dénégations de l’interviewé et se préparant à prendre des notes).

Quel est le mobile de cet acte de brutalité ? Est-ce une vengeance vulgaire ?… Une explosion de colère soudaine et irréfléchie ? Sommes-nous en présence d’un cas passionnel, ou purement physiologique… ou simplement atavique ?… Y a-t-il eu beaucoup d’assassins dans votre famille ?… Vous ne dites rien ?… Autre chose ! Y a-t-il eu préméditation dans le choix de la bouteille de cassis ?… Pourquoi cette bouteille de cassis, plutôt que de curaçao, ou de telle autre liqueur ?… Enfin, ce que je vous demande… écoutez-moi bien !… c’est, par le récit complet de votre crime, par l’analyse exacte des circonstances particulières, internes, conjugales ou sociales, qui l’ont précédé, de me donner les éléments sur quoi je puisse établir la psychologie de ce crime.

L’Interviewé

Mais sapristi !… sapristi !…

L’Interviewer (continuant)

… Faire, en quelque sorte, la chimie mentale de ce crime… Connaissez-vous l’illustre docteur Césare Lombroso ? Et quelle est votre opinion sur ses travaux, relatifs à l’insensibilité de la femme ?… Êtes-vous un impulsif, un sensuel, un déséquilibré, un neurasthénique, un mystique, un agoraphobe, un décadent ?

L’Interviewé (ahuri)

Mais sapristi, sapristi !… Je suis marchand de vins ; je ne suis pas marié… Et