Page:Mirbeau - La Grande voix de la presse, paru dans l’Écho de Paris, 31 mai 1892.djvu/5

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je n’entends rien à ce que vous me chantez là ?

L’Interviewer (sévère)

Vous persistez à nier : vous vous obstinez à vous jouer de la Presse… Très bien… Je vais vous confondre… (Il tire de son pardessus le Petit Journal)… Servez-moi un bock !

L’Interviewé

Voilà !… voilà… (Il sert un troisième bock).

L’Interviewer (après avoir bu, il déploie le Petit Journal sur la table).

Tenez, voilà ce que je lis dans le Petit Journal. Vous admettez, n’est-ce pas, que le Petit Journal est une autorité !… Oui !… Eh bien, écoutez : (Lisant). « À la suite d’une altercation, dont la cause est restée mystérieuse, le sieur Chapuzot, marchand de vins à Montrouge, a lancé une bouteille de cassis, à la tête de sa femme… » (Le regardant dans les yeux, fixement)… Nierez-vous encore ?…

L’Interviewé

Mais sapristi… Je ne suis pas de Montrouge, puisque je suis de Montmartre.

L’Interviewer

Vous nommez-vous Chapuzot ?

L’Interviewé

Oui.

L’Interviewer

Êtes-vous marchand de vins ?

L’Interviewé

Oui…

L’Interviewer

Alors, que vous soyez de Montrouge ou de Montmartre, qu’est-ce que cela fait ?… Ça n’a pas d’intérêt.

L’Interviewé

Mais sapristi !… Ça n’est pas moi.