Page:Mirbeau - La Pipe de cidre.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

obtint de Monseigneur qu’il se dessaisît du reliquaire et qu’il en fît don à notre église. Ce fut une grande joie que cette nouvelle, annoncée, un dimanche, au prône. Et l’on se prépara aussitôt à célébrer par d’inoubliables fêtes la translation des reliques, si longtemps et si ardemment convoitées.

J’avais alors douze ans et je jouais du tambour comme un homme.

Or çà, dans le pays, vivait un singulier personnage, nommé M. Sosthènes Martinot. Je le vois encore, gros, dodu, avec des gestes onctueux, des lèvres fourbes qui distillaient l’huile grasse des sourires, et un crâne aplati, glabre et rouge, pareil à une tomate trop mûre. Ancien notaire, M. Martinot avait été condamné à six ans de réclusion, pour vols, abus de confiance, escroqueries, faux, six ans durant lesquels il édifia la prison de Poissy de sa résignation admirable, et de son habileté à tresser des chapeaux. Sa peine terminée, et rentré dans sa maison, il reconquit vite l’estime de ses concitoyens par une gaieté de bon aloi, et une piété sagace, sincère peut-être, après tout… Car, que sait-on ? Ce qu’il y a de certain, c’est que personne ne lui marquait de froideur ni de mépris. Les familles les plus